Pour la première fois, en 1969, Léonard Bernstein invite lors d’un concert, un synthétiseur Moog à jouer des pièces de J.S. Bach. Sur la scène du Philharmonic Hall du Lincoln Center à New York, un énorme meuble noir, magma de prises, de boutons et de câbles s’avance dans un silence monacal.
Brisant les codes, le fameux chef d’orchestre annonce à son public, tout en provocation : « Ce que vous allez entendre est une fugue de Bach jouée par cet incroyable instrument électronique. Vous pouvez vous lever et vous incliner. Il peut jouer toutes les variations sur les sons purs, y compris de jolis sons jamais entendus encore »..
Et il présente la pièce à venir comme « une transmogrification de la fugue de Bach joué non par un orchestre mais par ce synthétiseur Moog ».
Clou du concert, il s’agit de la version de Walter Carlos, auteur du très récent album « Switched on Bach ».
Ce nouvel instrument qu’est le synthétiseur à cette époque est en quête de légitimité. Quoi de plus efficace alors que de lui faire jouer la musique la plus irréprochable, complexe à jouer et évidemment très connue de tout public ? Le pari est gagné et le fameux album « Switched on Bach » s’est vendu alors à des millions d’exemplaires.
On peut citer d’autres expérimentations à succès au début des années soixante-dix, avec les interprétations de Ravel et Debussy par Isao Tomita , ou encore Gershon Kingsley et son Moog Quartet invité à jouer des partitions de Haendel au milieu d’orchestres symphoniques de renom.
Et depuis ? Plus rien…
50 années plus tard, les choses se sont en quelque sorte inversées. Si la musique électronique est partout, les belles pages du répertoire classique peinent toujours à faire partie du paysage populaire. Une musique qualifiée de savante, définitivement à l’écart des heures de grande écoute.
Le synthétiseur lui-même, cette formidable innovation instrumentale du XXème siècle, cède de plus en plus souvent sa place au profit de l’ordinateur dans la composition et l’interprétation musicale.
Mais l’association visionnaire que nous ont proposé des pionniers tels que Bernstein, Carlos ou Tomita demeure d’actualité.
Car le croisement des esthétiques est propice à un autre croisement, celui des publics.
Au GRAMI on aime cette démarche : un répertoire source de fantasme pour tout musicien, donné à entendre dans une interprétation fraîche et dépoussiérée pour apprécier différemment des compositeurs universels. Les instruments électroniques ayant acquis récemment leur place au sein de l’orchestre, leur usage met ici en valeur la dimension intemporelle de ces chef d’œuvre de la musique.
Après tout Vivaldi ne se joue pas seulement sur des instruments baroques et Bach pas seulement au clavecin.
DESCRIPTIF TECHNIQUE
DURÉE : 1h
INSTALLATION : 2h
DÉMONTAGE : 1h
SURFACE SCÉNIQUE : 2,5 x 1,5m
ÉQUIPE : 3 personnes en tournée